Douce France

À la fin du mois de juin 1960, j’ai embarqué sur un de ces immenses paquebots qui faisaient la navette entre l’Algérie et la France. À cette époque, l’atmosphère est bizarre: De Gaulle, président de la République française, vient de confirmer que la France existe de Dunkerque (extrême nord de la France) à Tamanrasset (extrême sud de l’Algérie) afin de promouvoir son programme de défense nucléaire. La première bombe nucléaire française a explosé au Sahara (sud de l’Algérie) le 12 février 1960 et j’étais là… Mes parents ont senti qu’il fallait agir, compte-tenu que la rébellion pour l’indépendance commençait. Je suis donc parti sur le « Kairouan », un paquebot qui faisait la navette entre Oran et Port-Vendres, en France dans les Pyrénées-Orientales. Je suis parti avec Antonia, la chère grand-tante Antoinette, à la fois tante de mon père et tante de ma mère et dévouée à l’éducation des enfants, petits-enfants, neveux, petits-neveux, etc…, pour rejoindre Marguerite, une soeur cadette de ma mère récemment immigrée. Avant de quitter l’Algérie, Marguerite et son mari Vincent demeuraient à Tlemcen. Je me souviens de ces grands voyages que nous entreprenions avec mes parents et mes frères pour aller à Tlemcen: on chargeait la « Talbot » puis la « Peugeot 202 » puis la « Traction avant Citroën » de toutes sortes de vivres, tant pour le parcours que pour les hôtes; et on partait pour une épopée de 5-6 heures, même s’il n’y avait pas plus de 100 kilomètres. La route vers Tlemcen était très tortueuse dans sa deuxième portion: il fallait arrêter au milieu pour prendre un goûter. On s’installait toujours dans un endroit paradisiaque: en arrière, un cours d’eau limpide, à l’ombre d’arbres centenaires, devant une chute d’eau couronnée d’un pont de chemin de fer. Le temps de préparer un lunch et hop, voilà un train qui passait sur le viaduc, dans les airs. On arrivait à Tlemcen en fin de journée: nous étions toujours bien reçu. L’appartement de ma tante était tout en long; il fallait passer de la cuisine à la salle de bains ou à la chambre en traversant le tout. C’était convivial! Le mari de Marguerite, Vincent (mon oncle) travaille pour un entrepreneur en mosaïque: il crée des trucs extraordinaires (Comptoirs, tables, décorations,..) mais, cela ne le satisfait pas. Avec sa femme et se 2 enfants, ils ont émigré en France.
La traversée en bateau a duré 22 heures. Sur le « Kairouan », nous avions le minimum: une chaise longue entre deux ponts pour la durée de la traversée. Cette fois-là, il était impossible de rester « entre deux ponts », entre pont supérieur et cabines: il y avait du vomi qui se promenait de gauche à droite, des gens au teint verdâtre partout et j’ai émigré sut le pont, avec une couverture, couché dans les cordages du navire. Face au vent, je n’avais pas le mal de mer et, au petit matin, passant devant la Catalogne, j’ai vu à gauche des pêcheurs sur des petites embarcations, et, à droite, les îles Baléares. Vision extraordinaire! On débarque à Port-Vendres; la tante Antoinette est très perturbée. On passe la douane, on se dirige vers la gare des trains: il faut attendre 1 heure avant d’embarquer. Dans les haut-parleurs, une pièce de musique célèbre la bienvenue: « Douce France, Mon ciel bleu, Mon horizon, Ma grande route et ma rivière, Ma prairie et ma maison ».

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Trois-Rivières
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